Au beau milieu d'un lot de fiscaux sans grand intérêt, je tombe sur le timbre suivant :

35 centimes

Pas de quoi casser trois pattes à un canard me direz-vous. Et vous avez raison, encore que quelques compléments d'information ne me semblent pas superflus.

Effectivement, ce 25 centimes, n° 32 des timbres de dimension est on ne peut plus courant. Cependant, votre oeil exercé aura remarqué une surcharge manuscrite " 3 " pour porter la quotité du timbre à 35 centimes.

Mais pourquoi diable a-t-on modifié la faciale initiale ?

En voici l'origine : cette modification de la valeur est liée au changement de tarif du droit de timbre des récépissés des chemins de fer. L'explication nous en est donnée par l'instruction n° 2443 de la direction de l'enregistrement, des domaines et du timbre en date du 30 avril 1872 : " Les dispositions des lois des 28 février et 30 mars 1872, qui ont élevé le droit du timbre des récépissés des chemins de fer à 35 centimes (y compris le droit de la décharge) pour les transports en grande vitesse, et à 70 centimes (droit de décharge également compris) pour les transports effectués autrement qu'en grande vitesse, sont applicables aux récépissés des marchandises venant de l'étranger et qui doivent être transportées par les chemins de fer français.
Ces derniers récépissés sont timbrés à leur arrivée en France par les agents des douanes, au moyen de timbres mobiles. (Arrêté ministériel du 7 mai 1864, Instr. N° 2279.)

Comme il n'existe pas encore de timbres mobiles aux nouvelles quotités pour ces récépissés, les droits dont ils sont passibles devront être perçus provisoirement par l'apposition, savoir :

Du timbre mobile à 25 centimes, plus du timbre mobile à 10 centimes pour les transports en grande vitesse ;

Et du timbre mobile à 60 centimes, décime compris, plus du timbre mobile à 10 centimes pour les transports effectués autrement qu'en grande vitesse.

Les agents de l'enregistrement, des domaines et du timbre devront se concerter avec ceux des douanes, pour l'application des dispositions qui précèdent. "

Le document ci-dessous illustre l'application de ces dispositions réglementaires pour le tarif à 35 centimes :

Venant d'Ukraine - Galicie autrichienne

Récépissé en provenance de BRODY (Galicie autrichienne) aujourd'hui en Ukraine

Revenons à notre timbre du départ. En contravention avec la réglementation, un agent de l'Administration a donc préféré modifier à la plume le timbre de dimension plutôt que d'apposer les deux timbres prescrits par l'instruction n° 2443.

Pour quelles raisons ? Absence du timbre de quittances à 10 centimes, simple commodité d'usage ? Mystère. Mais dans tous les cas, avec cette anomalie, notre agent est à l'origine d'un rare voire rarissime cas de figure.

Magnifique alors. Me voici donc en possession d'une insigne rareté !

Hélas, vous l'avez compris, il n'en est rien. En effet, quoi de plus simple que de modifier un vulgaire n° 32 de dimension d'un coup de plume. Adieu veau, vache, cochon, couvée ! Mon timbre est rare mais ne vaut rien. Il n'y a que moi pour savoir qu'il est vrai, vu son origine, perdu parmi tant d'autres timbres ; je l'affirme, je le jure, il ne peut pas être falsifié.

Je le sais, j'en suis sûr, mais je ne peux malheureusement pas le prouver. La déception est forte, mais je ne suis pas rancunier : je vais quand même lui réserver une petite place dans ma collection en maudissant celui qui à l'époque a décollé mon petit timbre de son support, car faut-il le préciser, sur document, ce n° 32 de dimension avec surcharge manuscrite serait une rareté de premier ordre dont l'authenticité pourrait être alors être attestée.